Swiss Ski, une organisation plus que centenaire

Une histoire du ski en Suisse (1/10)

« La création de l’Association Suisse des Clubs de Ski est née d’un sentiment sincère d’appartenance, d’une bonne camaraderie, d’une amitié que seul un sport rapide, comme le ski, peut susciter. »

Le premier numéro du journal Ski paru le 2 décembre 1904 est explicite sur les motivations sous-jacentes à la fondation d’un regroupement des clubs de ski de Suisse. En effet, depuis le 20 novembre 1904, le ski en Suisse se trouve fédéré par une organisation faîtière en charge de sa promotion et de la coordination des premiers ski-clubs initiés depuis 1893 (l’année de fondation du premier ski-club à Glaris). Il s’agit de l’Association Suisse des Clubs de Ski (ASCS). En français, celle-ci va devenir Fédération Suisse de Ski après la Deuxième Guerre mondiale, avant de prendre le nom aux accents anglo-saxons de Swiss Ski en 2000.

L’initiative de la fondation de l’ASCS revient à Christoph Iselin, pionnier de la pratique du ski depuis les années 1890, fondateur du premier ski-club à Glaris en 1893 et organisateur des premières courses dans le courant de la dernière décennie du 19ème siècle.

En novembre 1904, quinze ski-clubs sont représentés, ceux-ci rassemblant alors 731 membres. Les clubs sont majoritairement situés dans des communes de montagne ou proches de la montagne et liés à des enjeux touristiques. Pourtant, les “grandes” villes du pays, comme Berne, Zurich, St. Gall ou Genève et La Chaux-de-Fonds ont aussi un club représenté, alors qu’une dizaine d’autres clubs, dont Bâle ou encore Lucerne, ont manifesté leur intérêt, mais n’ont pas pu (ou pas voulu) envoyer un délégué pour la première séance du 20 novembre 1904.

Les premiers statuts de 1904 (voir l’illustration ci-après) placent les compétitions parmi le but premier de l’ASCS, ce qui constitue un élément déterminant de ce moment pour le sport en Suisse – pour rappel en 1895, à sa fondation, l’Association Suisse de Football ne place pas l’organisation de compétitions dans ses buts.

Premiers statuts de l’Association Suisse des Clubs de Ski, 1904

Du reste, quelques semaines après la fondation de l’ASCS, les 21 et 22 janvier 1905, sur les pentes surplombant Glaris, ont lieu les premiers championnats suisses de ski. Si les courses de fond, notamment sur 20 kilomètres, établissent des temps de référence, ce sont surtout les épreuves de saut qui marquent les esprits et constituent les “temps forts” de ces championnats. En effet, plus de 6’000 spectateurs se seraient rassemblés autour du tremplin le dimanche après-midi, pour voir les Norvégiens Leif Berg et Thorleif Björnstad remporter la compétition, avec des sauts à 27 mètres, soit 10 mètres de plus que les concurrents locaux!

Skirennen Glarus, janvier 1903 © ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv / Fotograf: Heim, Arnold / Hs_0494b-0007-003-AL

En 1914, les 731 membres de 1904 sont devenus 5’192 membres (répartis dans 79 clubs), le ski commence à se diffuser en Suisse, même s’il est avant tout pratiqué par des élites issues des zones urbaines du pays et de l’Europe. En effet, il n’est pas rare de retrouver des “étrangers” parmi les membres des skis-clubs, notamment dans les stations de montagne, ainsi, dans les premières années du 20ème siècle, l’Alpina Ski Club de St. Moritz compte certaines années plusieurs dizaines de membres allemands, britanniques, italiens ou encore venus des États-Unis d’Amérique.

Dans ces mêmes années, pour tenter de soutenir une timide première démocratisation, l’ASCS va promouvoir: le don de « ski gratuit » à des enfants. Soutenue par différents canaux, celle-ci devient partie intégrante des statuts de l’ASCS en 1917 et ce sont ainsi plusieurs milliers de paires de ski qui chaque année sont distribuées (selon les estimations, jusqu’à 38’000 paires pendant l’entre-deux-guerres). De la même manière, une “légende” dit que les skis utilisés par les régiments de montagne, en charge de la surveillance des frontières alpines, durant la Première Guerre mondiale, auraient été abandonnés par les mêmes régiments – faute de consignes claires de la part des hiérarchies militaires aussi – dans les vallées, contribuant au développement de la pratique. Au-delà de cette légende, qu’elle soit avérée ou non, la guerre et la protection des frontières sur les cimes alpines vont aussi contribuer à initier au ski plusieurs générations de conscrits, souvent des jeunes hommes qui découvriront alors quelques rudiments de glisse et y prendront goût avant de le transmettre à d’autres, dans leurs cercles d’amis ou au sein de leur famille.

Saut à ski, vers 1910 © ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv / Fotograf: Unbekannt / PK_018506

En 1922, l’ASCS compte 111 clubs pour 8’893 membres, mais d’une certaine manière, il convient de souligner que la pratique du ski commence aussi à se développer en dehors du giron de l’association faitière, notamment du fait de touristes de passage pour quelques jours ou quelques semaines, mais aussi d’expérimentations faites en lisière des villes sur les premières pentes, au Gurten à Berne, au Chalet-à-Gobet à Lausanne ou encore sur le Züriberg à Zurich. Nul besoin d’être membre d’un ski-club ici, il suffit d’avoir accès à du matériel – fut-il de mauvaise qualité ou ancien – pour pouvoir profiter des plaisir de la glisse.

Preuve de l’essor de la pratique, l’ASCS valide la création de fédérations régionales (ou cantonales) lors de son assemblée de 1923 – lesquelles pourront organiser des compétitions notamment pour les jeunes –, et l’organisation centrale adhère aussi au Comité Olympique Suisse (fondé en 1912 et dont les missions vont se développer dans l’entre-deux-guerres autour des premières véritables délégations olympiques suisses). La voie est ouverte pour des échanges plus intenses avec les pays voisins. Du reste, les dirigeants de l’ASCS, Albert Weber et William Hirschy (le président en fonction à ce moment-là), font partie de la délégation helvétique présente à Chamonix en janvier-février 1924 pour la création de la FIS, et Albert Weber – qui fut le premier président de l’ASCS en 1904 – est élu au sein de la première direction de l’institution internationale.

Durant l’entre-deux-guerres, le ski va poursuivre sur la voie de l’expansion à travers la Suisse, et l’ASCS double son effectif de membres entre 1918 et 1929 pour atteindre 11’600 membres (dans 156 clubs), puis 19’000 membres dans plus de 230 clubs en 1932. Sous l’impulsion de clubs urbains, mais aussi de touristes qui deviennent membres des clubs sur leurs lieux de villégiature, la glisse devient aussi de plus en plus une activité qui se pratique sur des pentes prononcées. La vitesse devient un vrai enjeu, faisant émerger un « ski alpin » autour des nouvelles appellations de « slalom » et de « descente ».

Dans les années 1930, l’inauguration des téléskis – premières infrastructures véritablement destinées au ski de descente – à Davos en 1934, à St. Moritz en 1935, puis dans différentes vallées va littéralement créer les conditions d’un premier essor du ski alpin. Dans ce contexte, le nombre de membres de l’ASCS continue de croître, jusqu’à 34’573 pour l’année 1944 (dans 518 clubs), et les dirigeants évoquent régulièrement le chiffre d’un demi-million de pratiquantes et pratiquants chaque saison comme horizon de développement pour l’ASCS.

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, l’essor du ski se prolongera pour fabriquer alors un véritable “sport national”, sous l’impulsion notamment de l’ASCS, devenue Fédération Suisse de Ski et bientôt Swiss Ski, avec aux commandes des dirigeants comme Adolf Ogi, Elsa Roth ou les frères Glatthard. L’histoire de la conquête d’un or blanc que nous déclinerons dans les prochains posts de notre série de l’hiver, mais que l’article ci-dessous illustre parfaitement, en soulignant que le ski est bien la pratique sportive la plus importante (la plus intéressante!) pour la population suisse au milieu des années 1970.

Journal de Genève, 12-13 février 1977

Cette histoire et beaucoup d’autres sont à retrouver dans l’ouvrage Le ski en Suisse, une histoire, paru début décembre 2023, sous la direction de Grégory Quin, Laurent Tissot et Jean-Philippe Leresche, aux éditions Château & Attinger.

Par ailleurs, tout au long de l’hiver, vous pourrez trouver différentes histoires dévoilées dans le cadre de ce blog, tous les quinze jours, selon le calendrier suivant:

1er novembre 2023 – Swiss Ski, une organisation plus que centenaire

15 novembre 2023 – Les remontées mécaniques: petite histoire de la fabrication des domaines skiables en Suisse

1er décembre 2023 – Les monitrices et les moniteurs, ces héros de l’hiver

15 décembre 2023 – Ski et tourisme… au-delà de la quête de l’or blanc

1er janvier 2024 – Le Lauberhorn, la reine des courses

15 janvier 2024 – Les Jeux olympiques de 1928 et 1948

1er février 2024 – Les camps de ski, ou la clé de voute de la démocratisation d’un sport national

15 février 2024 – Les héroïnes et les héros du ski

1er mars 2024 – Le Marathon d’Engadine

15 mars 2024 – Les canons à neige

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